L’air du temps (une chronique de Jacques Kahn juin 2015)
A Limauges, il y a un haut et il y a un bas. Dans notre temps quotidien, il y a des hauts et des bas. Et quand on prend de la bouteille, quand on passe son temps à ne plus voir le temps passer, on risque de ne plus en percevoir qu’une part, la moins bonne et la plus lourde.
« Par les temps qui courent », n’est-il pas temps de prendre le temps de respirer ? Un petit moment pour inspirer le bon air de notre petit coin de vie. Quelques bons mots pour inspirer de belles pensées et de bons sentiments. D’autres, pour expirer nos mauvais maux et aussi prendre le temps de jouer avec les mots pour qu’on en sourie. Et pour avoir le temps, l’air de rien, de penser un peu…
*
Mais est-ce bien dans l’air du temps de cultiver l’art de ne pas aller dans le mur ? et même la sagesse de pouvoir s’arrêter parfois un peu ?
Il est 5h30, le quartier commence à s’éveiller.
Aujourd’hui, le ciel n’est pas encore tout à fait dégagé et quelques nuages tardent à partir travailler ailleurs.
« T’inquiète ! », dirait ma petite fille. Heureusement, les jeunes, qui se lèvent souvent plus tard que nous, croient davantage au soleil. Et à tout ce qui éclaire et passionne. Enfin, la plupart…
N’est-ce pas dans l’air du temps ?
Je ne sais pas pourquoi, mais cet air de grand matin me donne à respirer. Il m’inspire de bons sentiments, et je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour les proches, pour les amis. Et même pour certains concitoyens un peu lourds… Voici l’heure éclairante, celle de la bien-veillance.
Maintenant, il est temps de « se préparer ».
Aux voitures qui passent, et me semble-t-il de plus en plus et de plus en plus vite, au fur et à mesure que « l’heure avance », je perçois que l’éveil n’est pas le même pour tous les riverains. « Par les temps qui courent »…
*
Ce qu’il y a de bien à Limauges, c’est que la plupart de nos maisons ouvrent leurs baies et leurs fenêtres sur de grands espaces verts et que cela varie et s’anime comme la vie qui respire. Voilà le tremble qui tremble, petit air du matin.
Le sureau fait comme une grande boule blanche plus sereine. Et les hauts chênes qui surplombent rassurent de leur force. Chaque jour l’ensemble demeure, mais pourtant tout varie, les couleurs, la lumière, et c’est ce jeu qui enchante.
D’ailleurs, pour ce qui est de chanter, ce matin ils s’en donnent à cœur joie, merles et mésanges, rougegorges familiers et tourterelles amoureuses. Les oiseaux m’aident beaucoup à prendre la vie du beau côté. Ne nous ressemblent-ils pas à passer d’une branche à l’autre, comme pour éprouver sans cesse leur vitalité ? Et puis, ce petit ménage de mésanges charbonnières qui a emménagé près de ma petite fenêtre latérale et que j’observe à prendre un soin infini de leur progéniture, me semblent souvent plus humains en cela que tant de dispersés aux envols sans horizon…
*
Alors, pendant que la plupart s’encourent, je reste un moment de plus, à l’entrée de la terrasse aux bégonias, à savourer l’air du temps qu’il fait et le bénéfice de l’âge.
*
Le réchauffement de la planète irait-il de pair avec la glaciation de l’esprit?